La réhabilitation du Moyen Âge est intervenue en Allemagne plus tôt qu’en France. En 1770, le jeune Goethe, venu faire son droit à Strasbourg, est bouleversé par la beauté de la cathédrale. De ce choc esthétique nait un court essai, De l’architecture allemande (1772), qui est l’une des premières apologies du gothique et un hommage vibrant à la figure mythique d’Erwin von Steinbach, l’architecte badois du monument, en qui l’écrivain voit un génie spécifiquement allemand.
Bien qu’historiquement infondée, l’idée que le style gothique s’enracine dans la culture populaire germanique est communément admise au début du XIXe siècle. Elle est pour les plus grands artistes une source d’inspiration : Caspar David Friedrich, Gustav Carus ou le peintre et architecte Karl Friedrich Schinkel reviennent fréquemment sur le motif de la cathédrale médiévale, souvent représentée sous forme imaginaire, chargée de significations allégoriques.
« Si la cathédrale de Cologne était achevée, l’architecture gothique disposerait d’une œuvre gigantesque que nous pourrions comparer aux plus grandes réalisations de la Rome ancienne et moderne » écrit en 1806 l’écrivain Friedriech von Schlegel. Pour cette église dont la construction est interrompue depuis des siècles, il subsiste des projets grandioses qui datent du XIVe siècle. À la suite d’une campagne d’opinion, le dessein de reprendre ce chantier en suivant les plans médiévaux finit par aboutir en 1841. La reprise des travaux est lancée en grande pompe par le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV ; son fils devenu empereur célèbrera en 1880 l’achèvement de cette entreprise titanesque. Mené en parallèle au processus d’unification du pays, ce grand chantier fait de la cathédrale de Cologne un des principaux emblèmes de la jeune nation allemande.