Lorsqu’il découvre le château de Boisgeloup, Picasso est à la recherche d’un atelier aux proportions suffisamment vastes pour se consacrer à la sculpture. Il en reprend l’activité en 1928 aux côtés de Julio González, à l’occasion de la commande d’un monument en hommage à Guillaume Apollinaire. Ainsi que l’écrit le photographe Brassaï, « en visitant la première fois le domaine, ce n’est pas tellement le petit château qui le séduisit, mais ces vastes dépendances vides, à combler…» Contrairement à Paris où il apprend aux côtés de Julio González à souder le métal, c’est au travail du plâtre que Picasso s’adonne à Boisgeloup. «Substance immaculable et docile entre toutes», selon les mots d’André Breton, se prêtant au modelage, à l’empreinte et à l’assemblage, le plâtre permet à l’artiste de réaliser aisément des œuvres monumentales à l’aide d’armatures ambitieuses, telle la Grande Statue, aujourd’hui brisée. Très rapidement, les déesses sculptées par Picasso prennent les traits de Marie-Thérèse Walter, sa jeune maîtresse rencontrée à Paris en 1927. Le visage et le buste de Marie-Thérèse font l’objet d’une infinité de variations libres où les portraits sont modelés par le désir de l’artiste : nez de plus en plus proéminent, yeux en formes de boules ou creusés en amande, poitrine saillante et cou allongé.... La peinture de Picasso se nourrit de ses créations sculptées l’année précédente. Ayant conquis l’atelier, le buste de Marie-Thérèse accapare la rêverie de l’artiste dans la peinture Le Sculpteur en 1931. Dans les deux variations de la Femme au fauteuil rouge de 1932, les formes sculpturales sont transposées sur la toile en un assemblage à l’équilibre instable, construisant un squelette librement recomposé.