Dans la mythologie grecque, le Minotaure naît des amours de la reine de Crète Pasiphaé avec un taureau, relation monstrueuse qui explique son aspect mi-homme mi-animal. Caché dans le labyrinthe construit par Dédale, il reçoit en pâture des jeunes filles et des jeunes hommes envoyés par la cité d'Athènes en tribut. Le héros Thésée parvient à le tuer, puis à sortir du dédale grâce au fil que lui a donné Ariane, demi-sœur de la créature. Le Minotaure apparaît chez Picasso dans un grand collage réalisé en 1928 puis, en 1933, dans l’assemblage qui sert de couverture au premier numéro de la revue surréaliste du même nom. Alors que Picasso fait l’expérience de la puissance des mythes grecs, à l’occasion de la commande de l’illustration des Métamorphoses d’Ovide pour Alfred Skira à l’automne 1930, le Minotaure revient dans son œuvre sous l’apparence d’un personnage puissant en proie à ses passions, parfois identifié à l’artiste lui-même. Tout un chapitre de la Suite Vollard lui est consacré en 1933, où il devient le protagoniste d’une série de gravures dans laquelle le Minotaure humanisé partage les états d’âme du sculpteur et de ses lascives compagnes. À côté des aspects viril, jouisseur et dévorant de la créature, Picasso le représente vulnérable, infirme et condamné. Dans une dimension expiatoire, la mise à mort du monstre dans l’arène se conjugue au thème de la tauromachie ; devenu aveugle comme Œdipe, il est guidé par une petite fille dont les traits sont ceux de la maîtresse de l’artiste.