Première œuvre connue de Sassetta, ce panneau faisait partie de la prédelle d’un triptyque commandé en 1423 par la corporation des lainiers pour leur chapelle de l’église du Carmel à Sienne. Ce retable affirme le dogme de la transsubstantiation selon lequel le pain et le vin sont changés en Corps et Sang du Christ lors de l’Eucharistie. Sa réalisation est contemporaine d’un concile tenu à Sienne qui réaffirme ce sacrement afin de lutter contre des hérésies qui le contestaient.

Le panneau central étant consacré à la Gloire de l’Eucharistie sous la forme d’un grand ostensoir, le tableau sous-jacent de la prédelle montre logiquement la Cène, le dernier repas du Christ et des apôtres où fut institué le sacrement eucharistique. La prédelle comportait deux panneaux consacrés à la vie de saint Antoine Abbé dont seul subsiste l’épisode de l’agression par des diables. Saint patron des lainiers, sa présence s’explique aussi par sa lutte contre l’arianisme (courant de pensée du IV^e siècle considéré comme hérétique qui relativisait la nature divine du Christ), la première grande hérésie de l’histoire de l’Église au IV^e siècle.

Le paysage est construit par superposition des motifs jusqu’à un lumineux ciel atmosphérique et dans le refus de l’étagement traditionnel. Ici, formes et couleurs se relient les unes aux autres. Le corps du saint se prolonge dans le bras du diable de droite et le dos du démon à gauche, il trouve son écho dans les collines ou le bâton d’ermite sur le sol. L’unité lumineuse est obtenue par le biais d’une palette délicate qui décline avec harmonie les mêmes gris, verts et bruns jusque dans le ciel couchant en arrière-plan.

Une feuille d’or couvre tout le support et apparait par réserve ou grattage sur le corps des diables. Ces derniers ont été abimés par quelque fidèle zélé sensible à l’incarnation illusoire de l’image. Cette feuille d’or avait pour but de rendre la peinture plus lumineuse, et de créer des effets de brillance très précieux.