On pourrait croire le motif de la Seine presque obligé pour les paysagistes rouennais qui se réclament de la peinture nouvelle, quand Monet ou Pissarro ont si souvent planté leur chevalet au bord de l’eau. Chez les « mousquetaires » de l’École de Rouen – Angrand, Lemaître, Frechon et Delattre – le sujet tient cependant une place très variable. Le premier consacre au fleuve quelques toiles magistrales, comme La Seine à l’aube[1] mais la postérité de cette approche, fruit d’une expérience pointilliste qui tourne court, sera limitée. Frechon, profondément terrien, se confronte très rarement au motif, tandis que Lemaître se tourne assez vite vers un répertoire de scènes de rue.
C’est Eugène Delattre qui accorde au fleuve et à l’eau la place la plus importante, travaillant inlassablement sur les quais, puis, après 1902, autour du Petit-Couronne, dans une relative solitude en dépit du soutien marqué que lui accorde le collectionneur François Depeaux.
La Seine tient également une place centrale dans l’abondante production d’Albert Lebourg. Sa peinture s’attache à fondre les différents éléments du paysage dans une vision dominée par la question de l’atmosphère, si bien qu’elle est avant tout évocation d’un climat aérien, quand bien même le motif de l’eau y est omniprésent.
C’est dans la peinture de Robert Pinchon, à la génération suivante, que la représentation des reflets se retrouve au centre d’expériences picturales radicales. Comme dans les premières toiles impressionnistes de Monet, les défis posés par la représentation des reflets sont l’occasion d’une libération de la couleur, marquée cette fois par l’expérience du fauvisme.