A DECOUVRIR AU MUSEE FLAUBERT ET D'HISTOIRE DE LA MEDECINE, ROUEN
Cette exposition invite à une nouvelle exploration de l’oeuvre et de la vie de l’écrivain, à travers un thème essentiel : le corps.
Réalisé en partenariat avec le muséum d’Histoire naturelle, il s’agit du premier événement organisé par le pôle littéraire de la Réunion des Musées Métropolitains, pôle qui rassemble le musée Flaubert et d’Histoire de la médecine, le Pavillon Flaubert à Croisset, le musée Pierre-Corneille et la maison natale Pierre-Corneille. Ce regroupement muséal récent a pour vocation d’inviter à une redécouverte du patrimoine littéraire normand hors des sentiers battus ; approche dont témoigne cette exposition pluridisciplinaire, d’un genre inédit au musée Flaubert et d’Histoire de la médecine.
Le corps : cette obscure obsession flaubertienne…
Ayant grandi à l’Hôtel-Dieu de Rouen, où il naît en 1821, Gustave Flaubert est marqué par la maladie et la mort. Pour Michel Winock, l’hôpital « fut son univers d’enfant », lui dont le père était le chirurgien en chef des lieux : « L’amphithéâtre de l’Hôtel-Dieu, raconte Gustave à Louise Colet, donnait sur notre jardin. Que de fois, avec ma soeur, n’avons-nous pas grimpé au treillage et, suspendus entre la vigne, regardé curieusement les cadavres étalés ! […] Je vois encore mon père levant la tête de dessus sa dissection et nous disant de nous en aller. » Afin de restituer cette ambiance, l’exposition plonge le visiteur au coeur d’un authentique cabinet de curiosités. Cires anatomiques, instruments chirurgicaux et autres objets insolites proposent un univers éclectique dont les héros du roman inachevé de Flaubert, Bouvard et Pécuchet, se seraient délectés. Restauré à l’occasion de l’exposition, un écorché du docteur Auzoux (1797-1880) figure aux côtés des cires du célèbre chirurgien rouennais Jean-Baptiste Laumonier (1749-1818), réunies pour la première fois au musée Flaubert.
Corps en souffrance : de la réalité à la fiction
De taille imposante pour son époque (il mesurait 1,83 m environ), Flaubert, ce « géant » de la littérature, s’avérait de santé fragile. Plusieurs maladies graves l’ont poursuivi pendant toute sa vie : l’épilepsie et la syphilis. Relativement taboues, elles n’étaient pas soignées efficacement au milieu du XIXe siècle. Flaubert en parle beaucoup dans sa correspondance, où sa santé constitue un thème majeur. L’exposition établit un lien entre les souffrances de Flaubert et celles de ses personnages, qui ont, elles aussi, été innombrables. Extraits sonores, peintures et oeuvres graphiques illustrent cette thématique, dont la célèbre opération du pied-bot, véritable morceau d’anthologie de Madame Bovary (1856), qui se solde par un échec cuisant. À cette souffrance physique s’ajoute aussi une douleur psychique. Elle s’avère si intense dans le cas d’Emma Bovary, l’héroïne la plus célèbre de l’univers flaubertien, que celle-ci en vient à se suicider ; l’auteur évoquant son « rire atroce, frénétique, désespéré » à l’approche de la mort. Au malaise
du corps répond le mal-être de la psyché.
Spectaculaires animaux ou l’empire de la bestialité
On rencontre beaucoup d’animaux dans l’oeuvre et la correspondance de Flaubert : du cheval – il était bon cavalier – à la petite levrette d’Italie d’Emma Bovary, en passant par le perroquet de Félicité. Flaubert déclare même « bûcher comme un ours » et recourt souvent à des métaphores animalières pour parler de lui : ours, phoque, dromadaire, tigre, vache, huître, lézard, lièvre. Des espèces animales bigarrées et impressionnantes investissent en conséquence l’espace de l’exposition, dont Loulou, le célèbre perroquet emprunté par Gustave Flaubert au muséum d’Histoire naturelle de Rouen au moment de rédiger l’un de ses Trois contes (1877), intitulé Un coeur simple. Les animaux servent aussi à illustrer tous les tourments de saint Antoine et à rendre visible le lien qui existe, pour Flaubert, entre l’âme et le corps.
Les lithographies d’Odilon Redon (1840-1916) pour La Tentation de saint Antoine offrent une interprétation particulièrement frappante et singulière de ce lien entre folie et animalité. Corps désirant et érotisme dans l’oeuvre flaubertienne Les effets du sentiment amoureux sur le corps et la psyché, tout comme les relations physiques entre les êtres, inspirent des visions saisissantes dans toute l’oeuvre de Flaubert. Une pléiade de citations en témoigne, notamment dans Madame Bovary lorsqu’Emma se perd dans « l’immense pays des félicités et de la passion ». Romantique malgré lui, Flaubert idéalise le corps de l’être aimé, transformant la femme adorée en une sorte de déesse inaccessible comme dans les Mémoires d’un fou (1841-1842) : « Je baissai les yeux et rougis. Quel regard, en effet ! comme elle était belle, cette femme ! Je vois encore cette prunelle ardente sous un sourcil noir se fixer sur moi comme un soleil. » Cette approche du corps est à relier à son travail d’écrivain : « L’Art doit s’élever au-dessus des affections personnelles et des susceptibilités nerveuses ! » Le corps physique étant source de déception, l’imaginaire constitue l’ultime et le plus précieux des refuges. Pour Flaubert, l’amour, en aucun cas, ne saurait être le plat principal de la vie mais, au mieux, un « assaisonnement », comme il le soutient à son infortunée amante Louise Colet. Il n’en reste pas moins que, d’Emma Bovary à madame Arnoux en passant par Salammbô, son oeuvre est peuplée d’héroïnes enivrantes, qui invitent ou commettent le péché ou hantent, ad vitam aeternam, l’âme des infortunés qui s’éprennent d’elles. Les dessins préparatoires à l’illustration de Madame Bovary par Albert Fourié (1854-1937) ou le tableau de Joseph-Désiré Court (1797-1865) constituent autant de preuves de la fascination qu’elles exercent sur les artistes et plus généralement sur le public.
D’une enfance marquée par la mort à une oeuvre hantée par le désir, le parcours de l’exposition Flaubert, corps et âme représente, d’une certaine façon, une métaphore de la propre trajectoire de l’écrivain. Malgré un contexte familial et une vie marqués par une certaine morbidité, Gustave Flaubert a su édifier une oeuvre littéraire qui lui vaut, aujourd’hui encore, une renommée mondiale ; oeuvre dans laquelle l’érotisme et le désir occupent une place de choix. On voit en tout cas ici combien cette exposition, à partir d’une thématique aussi universelle que celle du corps, parvient à créer un nouveau dialogue entre des corpus scientifiques, littéraires, artistiques et muséaux.
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Du corps tel qu’il est
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Dans le cadre de l’exposition Flaubert, corps et âme, le musée Flaubert et d’histoire de la médecine expose quatre pièces issues de l’École de cérisculpture de Rouen, figurations très réalistes et en volume du corps humain. Utilisées au XIXe siècle pour la formation des futurs médecins, elles viennent, près de deux siècles après cet âge d’or de la science rouennaise, d’être restaurées. L’habileté du chirurgien-chef Jean-Baptiste Laumonier (1749-1818) à injecter de cire les vaisseaux lymphatiques fut reconnue dès 1785. Il devint alors le principal fournisseur de l’École de santé de cires anatomiques représentant les systèmes nerveux et lymphatiques. En 1806, un décret impérial crée l’École d’anatomie artificielle qui sera située à l’Hôtel-Dieu de Rouen, où un amphithéâtre d’anatomie existe depuis 1793. Parmi les élèves de Laumonier, on compte Jules et Hippolyte Cloquet, ainsi qu’Achille-Cléophas Flaubert, père de l’écrivain, qui prit la succession de son maître à partir de 1818.
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Résidence
L'artiste plasticienne Jennifer Mackay réalise, in situ, une œuvre dans la chambre natale de Flaubert avec une action d'éducation artistique et culturelle (EAC) auprès de classes CHAAP (classe à horaire aménagé art plastique) de 6e et de 5e d'un collège à Rouen.
Présence de l’artiste dans la chambre natale : 5 et 19 janvier, 2 et 28 février, 2, 15 et 30 mars, 6 avril 2023.
Restitution lors de la Nuit des musées du 13 Mai 2023, accompagnée des travaux réalisés en ateliers avec les classes de 6e et 5e.