Réalisée en partenariat avec la galerie Bernard Jordan grâce à un prêt exceptionnel de Laurent Dumas (Villa Emerige, Paris), l’exposition constitue l'un des temps forts de La Ronde et de la saison Héroïnes.
Nina Childress (née en 1961 à Pasadena aux États-Unis) vit et travaille à Paris où elle enseigne à l'École nationale supérieure des beaux-arts. Celle qui fut à Paris au début des années 80 chanteuse du groupe punk Lucrate Milk et qui a vécu avec les Frères Ripoulin (aux côtés de Pierre Huyghe ou Claude Closky, entre autres artistes qui pratiquaient alors tous la peinture à une époque où elle était en disgrâce), oscille aujourd’hui parmi des styles et références pop qui ne s’interdisent pas grand-chose.
Nina Childress – dont on a pu ces dernières années voir les peintures au MAMCO à Genève, à la Fondation Ricard et au Palais de Tokyo où des solos lui ont été consacrés – flirte volontiers avec le kitsch, parfois avec le classicisme, ainsi que le confirme la coprésence au sein de son œuvre des « good » et « bad » paintings. L’ensemble présenté à Rouen constitue un « Tombeau », c’est-à-dire un hommage – comme cela se fait en musique et en poésie – à Simone de Beauvoir, grande figure de la littérature et du féminisme qui fut professeur de philosophie à Rouen entre 1932 et 1937. Le Tombeau de Simone de Beauvoir compte une quinzaine de peintures qui prennent part à une installation (papier peint, podium, objets, fanzine...). Grande figure de l’émancipation féminine du XXe siècle, Simone de Beauvoir apparaît sous le pinceau de Nina Childress sous différents aspects de sa vie qui furent en leur temps épinglés comme contradictoires et scandaleux. Extraits de l’ouvrage Une autobiographie de Nina Childress de Fabienne Radi, Beaux-Arts de Paris éditions – Frac Nouvelle-Aquitaine MECA – Galerie Bernard Jordan, 2021, p. 176-178 :
« Si on prend par exemple ma période Simone de Beauvoir. Au départ, il y a un ratage qui a finalement débouché sur autre chose. Didier Ottinger, qui préparait la deuxième édition de La Force de l’art au Grand Palais (2009), vient faire une visite de mon atelier. Il cherche des peintres pour cet événement. On discute de tout et de rien et à un moment donné il me dit : il faudrait parler de choses littéraires. Au fond de moi je fais Pffff. Et je vois alors posé sur un coin de table, le numéro du Nouvel Obs avec la fameuse photo de Simone de Beauvoir, nue et de dos, prise par son amant. La photo est retouchée. À ce moment- là, il y avait toute une polémique sur cette question de la retouche. J’avais parcouru l’article à l’intérieur du magazine. Jusque-là Simone de Beauvoir, comme Françoise Sagan, c’était pour moi quelqu’un d’assez laid et désagréable. Tout à coup je découvrais des photos d’elle jeune et je la trouvais plutôt jolie. J’étais juste étonnée de voir ça. C’est tout. Comme Ottinger est là, dans mon atelier, je lance : Je pourrais peut-être faire quelque chose sur Simone de Beauvoir ? Il répond : Ah oui, très intéressant ! Et voilà, c’était parti [...] Peindre avant de sauter dans un train Je n’avais jamais lu Simone de Beauvoir. Dans l’article du Nouvel Obs, ce qui m’intéressait avant tout c’était ses coiffures, ses vêtements, la question de la beauté, de la jeunesse, de la vieillesse. Et aussi son rapport à Sartre. Quand j’ai commencé à la peindre, je me suis mise à lire tous ses livres. Dans l’ordre chronologique. De manière systématique. Comme tout ce que j’entreprends. Pour les deux autoportraits en Simone de Beauvoir, les choses se sont faites de la même manière, par hasard. Je devais prendre un train pour rejoindre mon amant. Je n’avais pas beaucoup de temps et je traînais sans rien faire dans mon atelier. J’ai alors pensé : et si je me peignais en Simone de Beauvoir ? Le premier tableau, je l’ai fait comme ça. Pour le second, j’ai systématisé le procédé. J’étais à la fois portée par l’exaltation (voir mon amant) et pressée par le temps (prendre le train). Et au retour j’ai peint deux autres portraits, à la manière de Francis Gruber. Tous ces tableaux ont été peints très vite en une ou deux heures. »
Nina Childress est représentée par la Galerie Bernard Jordan, Paris