Ce programme lancé en 2012 au musée des Beaux- Arts de Rouen est l’une des toutes premières initiatives en France pour remettre les collections au cœur de la programmation des musées. Il s’agit à chaque fois de révéler la richesse et la variété des collections publiques, de dévoiler l’envers du décor et le mystère des réserves, de favoriser les redécouvertes en ouvrant les musées à de nouveaux regards. De nombreux invités se sont succédés, conservateurs, historiens, artistes, personnalités du monde de la culture, ou plus récemment les simples amateurs avec la Chambre des visiteurs.
Pour la 9e édition du Temps des Collections, intitulée « Cirque et saltimbanques », le musée des Beaux-Arts de Rouen accueille un fonds exceptionnel, la collection J.Y. et G. Borg, une des plus importantes collections privées sur le thème du cirque ainsi que de prestigieux prêts de grandes institutions. Peintures, dessins, affiches, objets d'art, costumes, jouets, sculptures ou photographies y retracent l'histoire du cirque et ses liens intimes avec le monde de l'art et les artistes. Spectacle culturel, le cirque inspire depuis son origine peintres, plasticiens et photographes. Couleurs et formes évoluent avec le temps, mais les œuvres reflètent toujours les émotions de l'artiste devant ce spectacle humain, dont la richesse féconde stimule l’imaginaire.
La Fabrique des Savoirs d’Elbeuf présente une exceptionnelle collection inédite en France consacrée à un saltimbanque venu de l’ouest : Buffalo Bill. Objets, affiches, photos, costumes, documents retracent l’épopée du célèbre Colonel Cody qui vint en France à deux reprises, en 1889 pour l’Exposition Universelle et en 1905 lors d’une tournée européenne d’adieux. L’incroyable spectacle de l’Ouest américain suscite alors un immense intérêt et rencontre un succès sans précédent. Le western moderne est né. Des générations d’enfants joueront « aux cowboys et aux indiens » avec des figurines Starlux, Elastolin, Quiral.
William Fredrick Cody et la naissance du Buffalo Bill’s Wild West Show
William Frederick Cody est né en 1846. Il gagne son pseudonyme de « Buffalo Bill » en tuant chaque jour dans les plaines de l’Ouest une douzaine de bisons pour nourrir les ouvriers du Kansas Pacific Railroad.
Sa légende naît sous la plume de Ned Buntline qui le persuade de quitter l’armée – où il occupe le poste d’éclaireur du général Sheridan au 5e régiment de cavalerie – pour une carrière théâtrale. Cody fait ses premiers pas sur scène, débutant à Chicago en juin 1873 avec Les éclaireurs de la prairie.
Prenant alors conscience de l’attrait du public pour l’Ouest sauvage, il décide de regrouper une troupe d’Indiens et de cowboys
Le Wild West show débarque en France
Le 27 avril 1889, le navire américain SS. Persian Monarch quitte New York sous une pluie battante. Bisons et chevaux sont hissés à bord, recouverts de bâches. Le commandant Bristow note sur le livre de bord, proposé dans l’exposition, le nom des passagers. Depuis le port du Havre, le Wild West gagne Paris en train spécial. Il ne reste qu’une semaine pour s’installer à Neuilly sur un immense terrain loué à prix d’or. À chaque représentation, deux fois par jour, 15 000 spectateurs vivent l’Ouest américain.
Rosa Bonheur, amie de Cody, peint son célèbre portrait et les Indiens qu’elle affectionne. Le Tout-Paris se déplace, notamment les artistes, Gauguin, Munch, Sarah Bernhardt et bien sûr la presse.
De retour aux États-Unis, après la tournée européenne, Cody crée en 1892 Le Congrès mondial des cavaliers sauvages (Congress of Rough Riders of the World), enrichissant le spectacle des prestations de cavaliers venus des quatre coins du monde : Cosaques, Mexicains, Arabes, Japonais, uhlans prussiens, lanciers britanniques ou zouaves... Il s’associe alors à James Bailey, qui devient le manager de la tournée. Ce dernier réorganise la logistique du Wild West sur le modèle du Barnum & Bailey Circus – dont il est propriétaire – qui vient de terminer en France une tournée triomphale en 1902. Il initie une véritable stratégie pour les futures tournées américaines et européennes, où la publicité, marquée par un affichage démesuré et une production à grande échelle de «produits dérivés», prend une importance inédite.
La tournée européenne d'adieux débute à Londres en 1902. En 1905, la France, et notamment Paris, rapporte les recettes les plus fabuleuses. La logistique est impressionnante et les transports de ville en ville se font par quatre trains spéciaux transportant 800 chevaux, 10 immenses tentes, une arène rectangulaire de 17 000 à 20 000 spectateurs éclairée par la fée électricité, les réfectoires, la cuisine...
Cent-dix villes sont ainsi visitées en 1905 en France. La saison se termine à Marseille en novembre pour l'hivernage. Le Wild West Show repart en mars 1906 pour une grande tournée européenne après Toulon, Draguignan et Nice pour se produire sur les planches l’hiver. Cody organise, nationale du 4 juillet 1882, une réunion de mille cowboys et imagine un Wild West Show dont la première a lieu en mai 1883 devant 8000 spectateurs. Nate Salsbury, dont la boîte à chapeaux est présentée dans l’exposition, finance le spectacle alors que John Burke en est le génial agent de presse.
Cody produit ce spectacle de l'Ouest sauvage dans 40 villes des États- Unis et du Canada. Il obtient le concours du chef indien Sitting Bull et d’Annie Oackley, «Little Miss Sure Shot », tireuse d’élite. À New York, Nate Salsbury propose à Cody un voyage à Paris pour l’Exposition universelle de 1889 prévue pour célébrer le centenaire de la Révolution française, événement sublimé par l'inauguration de la Tour Eiffel. Nate part en janvier 1889 en avant-courrier avec deux charriots remplis d’immenses affiches qui couvriront les murs de Paris.
En 1906, la compagnie revient aux États-Unis. James Bailey est mort et les affaires périclitent. Plusieurs associations malheureuses, dont celle avec Pawnee Bill, et le désintérêt du public pour un modèle vieillissant remplacé par le cinéma, amènent une banqueroute en juillet 1913.
Grâce à la collection Borg, le Wild West Show de Buffalo Bill reprend vie. L’exposition retrace en particulier les grandes heures des tournées françaises de 1889 et 1905, montrant affiches, photographies, objets ayant appartenu à Buffalo Bill, aux Indiens, cowboys, et à l’orchestre, ainsi que de nombreux documents d’archives. Un diaporama commenté réunissant 40 plaques photographiques de verre commandées par Cody à un photographe parisien montre les coulisses et les acteurs du spectacle devant la galerie des Machines au Champ-de-Mars en juin 1905.
CATALOGUE
L'exposition est accompagnée d'un catalogue que vous pourrez découvrir à la boutique du musée.
" Pour la 9e édition du Temps des collections, intitulée " Cirque et Saltimbanques ", les musées de la Réunion des Musées Métropolitains Rouen Normandie accueillent un fonds exceptionnel, la collection J.Y. Et G. Borg, une des plus importantes collections privées sur le thème du cirque ainsi que de prestigieux prêts de grandes institutions. Peintures, dessins, affiches, objets d'art, costumes, jouets, sculptures ou photographies y retracent l'Histoire du cirque et ses liens intimes avec le monde de l'art et les artistes. Spectacle culturel, le Cirque inspire depuis son origine peintres, plasticiens et photographes. Couleurs et formes évoluent avec le temps, mais les oeuvres reflètent toujours les émotions de l'artiste devant ce spectacle humain, dont la richesse féconde stimule l'imaginaire."
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A la découverte des saltimbanques de passage à Elbeuf.
Dans le cadre des expositions Cirques et Saltimbanques, la chercheuse Johanna Daniel de l’Institut national d’Histoire de l’Art et doctorante au LARHRA* est venue partager ses recherches lors d’un café-musée le 29 janvier 2022 dernier à la Fabrique des Savoirs. Une petite vingtaine de personnes, passionnés d’histoire ou curieux ont été absorbés par ses explications.
Johanna travaille sur la vue d’optique, “un genre d’estampes produit essentiellement au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle et dans les premières décennies du XIXe siècle. Les vues d’optique figurent en général des paysages urbains, et ont la particularité d’être conçues pour être regardées au travers d’un dispositif d’optique, constitué d’une lentille, qui accentue l’effet de profondeur de l’image. Le dispositif procure un effet qui s’approche de la 3D, ce qui me fait souvent présenter, dans un but de vulgarisation, les vues d’optique comme l’ancêtre des vues stéréoscopiques.”
Ces vues d’optiques étaient présentées de villes en villes par des “montreurs d’optique”, des voyageurs ambulants qui portaient sur leur dos le dispositif pour le visionnage. Afin de retrouver la trace de ces saltimbanques, qui s’installaient sur les places ou dans les foires, la chercheuse sillonne elle aussi les routes de France, passant de services d’archives en services d’archives à la recherche de documents mentionnant le passage de ces voyageurs. Elle consulte notamment les fonds des “passeports intérieurs”.
En effet, au XIXe siècle pour avoir le droit de sortir simplement de son canton, il était nécessaire d’obtenir un passeport. Ce passeport comporte de nombreuses informations (état-civil, description physique, destination, profession, accompagnants...). Le recherche de ces passeports permets de reconstituer les parcours des voyageurs puisque de ces documents sont tamponnés dans toutes les villes où ils passent.
Le service des Archives Patrimoniales de la Fabrique des Savoirs conserve une très belle collection de ces passeports intérieurs, entre 1816 et 1860. C’est dans ce fonds que Johanna a trouvé le passeport d’un certain Alexandre Charpentier, qui l’intéresse tout particulièrement puisqu’il était “Montreur d’optique”. Grace à son passeport retrouvé à Elbeuf elle sait qu’il est passé entre autres à Bar-le-Duc, Sedan ou encore Dieppe et Montreuil. Elle a également retrouvé sa trace dans d’autres services d’archives, ce qui lui a permis de reconstituer une partie de son itinéraire, de son parcours et de sa vie. Lors de ses dépouillements d’archives, Johanna s’intéresse aussi aux autres voyageurs particulièrement ceux issus des métiers du spectacle, elle participe d’ailleurs à l’alimentation d’une base de données sur le sujet.
Les passeports, comme l’ensemble des fonds conservés à la Fabrique des Savoirs, sont librement consultables par le public, en salle de lecture le jeudi et le vendredi après-midi de 14h à 18h.
*Laboratoire de Recherches Historiques de Rhône-Alpes