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Cirque et saltimbanques : CIRQUE ET JAPON. ESTAMPES DES PÉRIODES EDO ET MEIJI

10 Décembre 2021 - 17 Mai 2022
Cirque et saltimbanques : CIRQUE ET JAPON. ESTAMPES DES PÉRIODES EDO ET MEIJI

Ce programme lancé en 2012 au musée des Beaux- Arts de Rouen est l’une des toutes premières initiatives en France pour remettre les collections au cœur de la programmation des musées. Il s’agit à chaque fois de révéler la richesse et la variété des collections publiques, de dévoiler l’envers du décor et le mystère des réserves, de favoriser les redécouvertes en ouvrant les musées à de nouveaux regards. De nombreux invités se sont succédés, conservateurs, historiens, artistes, personnalités du monde de la culture, ou plus récemment les simples amateurs avec la Chambre des visiteurs.

 

Pour la 9e édition du Temps des Collections, intitulée « Cirque et saltimbanques », le musée des Beaux-Arts de Rouen accueille un fonds exceptionnel, la collection J.Y. et G. Borg, une des plus importantes collections privées sur le thème du cirque ainsi que de prestigieux prêts de grandes institutions. Peintures, dessins, affiches, objets d'art, costumes, jouets, sculptures ou photographies y retracent l'histoire du cirque et ses liens intimes avec le monde de l'art et les artistes. Spectacle culturel, le cirque inspire depuis son origine peintres, plasticiens et photographes. Couleurs et formes évoluent avec le temps, mais les œuvres reflètent toujours les émotions de l'artiste devant ce spectacle humain, dont la richesse féconde stimule l’imaginaire.

 

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L’estampe japonaise, de nos jours très recherchée, n’était à l’origine qu’un simple vecteur publicitaire. Telle une affiche, une fois le spectacle terminé, elle n’avait plus grand intérêt. Une importante quantité d’impressions a ainsi assuré un renouveau permanent durant les trois siècles (XVIIe-XIXe) pendant lesquels elle fut le plus utilisée. Il s’agit d’une impression sur bois (xylographie) nécessitant plusieurs matrices ou planches de bois, une pour le contour puis une pour chaque couleur utilisée. Ainsi, une fois les bois taillés, on pouvait en imprimer en très grande quantité et de manière peu coûteuse.

La collection d’estampes sur le thème du cirque et des saltimbanques présentée dans cette exposition est inédite tant par son iconographie rare et originale, que par ce qu’elle témoigne de l’histoire du cirque au Japon du XIXe siècle. Elle décrit l’évolution du cirque au sein de l’archipel, depuis les spectacles de rue itinérants jusqu’à l’introduction du cirque occidental au moment de l’ouverture de la baie d’Edo aux Occidentaux et de la Restauration de Meiji.

Alors que le régime militaire du shogunat des Tokugawa isole le Japon pendant 265 ans (1603-1868), cette période appelée Edo (ancien nom de Tōkyō, capitale des shoguns) est un temps de paix durable, de prospérité et de richesse par le développement des arts et du commerce.

La population est alors divisée en quatre castes : en haut de la hiérarchie, les guerriers (seigneurs –daimyō – et samouraïs) assurent la paix sur l’ensemble du territoire ; viennent ensuite les paysans dont le travail de création est très valorisé, puis les artisans (ceux qui transforment), et enfin les marchands, généralement mal perçus car en contradiction avec les principes bouddhistes. Cette dernière classe sociale permet cependant à la société d’Edo de prospérer, devenant l'une des métropoles les plus peuplées au monde. Le pays, enfin en paix après 150 ans de guerres intestines, connaît alors un fort développement des arts avec l’apparition de plusieurs écoles de peinture, de sculpture, d’architecture, et surtout la diffusion en masse de l’impression sur bois : les estampes.
Malgré cette fermeture apparente, le Japon ne reste pas sans appréhender les diverses avancées occidentales amenées par les Hollandais dans l’île artificielle de Dejima non loin de Nagasaki, notamment dans les domaines de la médecine et des arts. Ce comptoir hollandais est en effet le seul à pouvoir faire du commerce avec le Japon : arrivent ainsi de nouveaux pigments dont le fameux bleu de Prusse qui apporte davantage de couleur aux estampes.

Misemono

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Le terme misemono (« spectacle » ou « représentation ») naît à la période Edo, pendant laquelle les artistes de rue apparaissent dans le paysage urbain. Ces « choses à voir » ont pour origine le théâtre populaire sarugaku du XIe siècle avec acrobaties et musique, le kabuki, et les rakugo, histoires comiques racontées par les moines bouddhistes. Avant de devenir des spectacles commerciaux, ces attractions, pour des sanctuaires ou des temples. Elles prennent ensuite leur indépendance et se délocalisent dans des lieux plus fréquentés, attirant plus de spectateurs. Les deux places fortes des misemono sont alors Asakusa et son temple dédié à la déesse Kannon, et le quartier de Ryōgoku avec son pont bâti en 1659 réunissant les provinces d’Edo et de Shimoda, séparées par la rivière Sumida. Appréciés par toutes les classes sociales, ces spectacles populaires font partie du développement de la culture de loisir pendant toute l’ère Edo. Ils sont annoncés par des impressions sur bois polychromes qui circulent sur le territoire et sont accessibles à tous, car peu onéreux.

L’arrivée du cirque occidental au Japon en 1864 n’altère en rien la popularité des misemono jusque dans les années 1880. Le gouvernement de Meiji, plus puritain, prend alors des décrets afin de restreindre cette activité ; il réquisitionne les principaux lieux de démonstration que sont Asakusa et Ryōgoku, forçant les artistes à s’enfermer dans des yose ou yoseba, théâtres de variétés, ou à se produire dans la sphère privée.

La paix durable de l’époque Edo est propice au développement d’une culture du loisir largement diffusée par les estampes (ukiyo-e, littéralement « image du monde flottant »). Paysages, musique, danse et théâtre kabuki, courtisanes et guerriers, y sont dessinés par les grands maîtres : Hokusai, Hiroshige, ou encore Kuniyoshi. Ils illustrent aussi le « cirque » traditionnel ou misemono, spectacles de rue itinérants. Ces estampes publicitaires annoncent antipodistes, jeux icariens, acrobates sur corde, mâts ou échelles, jongleurs aux boules, cerceaux, toupies, pots ou éventails et montreurs de singes.

Hayatake Torakichi (? - 1868)

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Il existe également des compagnies renommées qui sillonnent l’archipel, comme la troupe d’Hayatake Torakichi. Bien qu’il soit l’artiste de rue le plus connu au Japon et le plus représenté par les maîtres d’estampe, on connaît peu de choses sur lui, notamment sur la première partie de sa vie. Il arrive à Edo en 1857, et en l’espace de deux mois, 30 estampes y sont produites par de grands maitres comme Yoshiharu, ou encore Kunisada II. Pendant ses numéros, il porte la plupart du temps des costumes de kabuki, le théâtre populaire japonais. Ses deux numéros fétiches, kyokuzashi et shakkyō, nécessitent tous les deux l’utilisation d’une perche ou d’une échelle sur lesquelles d’autres acrobates effectuent un numéro d’équilibre.

Le cirque occidental au Japon à l’époque de la restauration de Meiji

En 1853, l’amiral américain Matthew Perry, ouvrant une brèche dans l’isolement du Japon, entre dans le port d’Edo en vue de signer des accords commerciaux. Dix ans plus tard, Richard Risley, directeur d’une troupe de cirque équestre déjà mondialement connue, obtient l’autorisation de se produire avec sa compagnie de dix artistes et leurs huit chevaux en mars 1864, uniquement à Yokohama, les étrangers n’étant pas encore autorisés à circuler librement.

La population découvre alors, médusée, le cirque équestre occidental et les femmes écuyères ou acrobates à cheval. Risley revient aux États-Unis où il produit en mai 1866 un spectacle d’artistes japonais qui tournera en Europe pendant deux ans : The Imperial Japanese Troupe, les premiers Japonais à traverser l'océan vers l'Occident.

Dès la période Bakumatsu (1853-1867), avant l’ouverture totale du pays sous Meiji (1868-1912), les objets décoratifs et estampes inondent le marché parisien, initiant la mode du japonisme en Occident, et donc l’attrait du Japon pour les Européens.

L’épopée Chiarini (1886-1889)

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Giuseppe Chiarini (1823-1897), né à Rome dans une très ancienne famille de saltimbanques, grand voyageur, élève des plus grands écuyers de l’époque – Adolphe Franconi, Alexandro Guerra –, excelle rapidement dans les exercices de dressage et de haute voltige à cheval. Après des séjours en Angleterre et à Paris, son entreprise sillonne le continent américain pendant 20 ans. À partir de 1873, le « Royal Italian Circus » traverse plusieurs fois le Pacifique de San Francisco, sa base, vers l’Asie, l’Australie et la Nouvelle- Zélande.

En 1886, Chiarini demande l’autorisation d’une première visite au Japon pour une importante troupe d’artistes américains et européens et un orchestre de treize musiciens de Manille. Fin juillet, les représentations débutent à Yokohama, puis se déroulent à Nagasaki, Kobe, Kyoto, Osaka, avec un immense succès. En novembre, la compagnie joue devant l’Empereur Mutsuhito et sa cour à Tokyo ; assistant pour la première fois à un spectacle complet de cirque, le souverain offre à Chiarini 5000 dollars en or. Les nobles, les officiels, les hommes d’affaires se précipitent alors sous un chapiteau luxueusement aménagé, dont témoignent les estampes de grands artistes comme Chikanobu ou Kunimasa IV. Soixante-quinze personnes y travaillent et la ménagerie compte 26 chevaux, 5 poneys, mais aussi des animaux exotiques pour la première fois en tournée au Japon : lions, tigres, éléphants et autruches. Les acrobates y excellent et un numéro d’équilibristes unijambistes, vétérans de la guerre civile américaine qui ont manifestement intrigué les spectateurs japonais, se distingue particulièrement. Le cirque Chiarini revient au Japon en 1889.

Postérité et japonisme international

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Dès 1853, des objets japonais tels que céramiques, éventails, accessoires de beauté circulent, arrivant en Occident emballés dans des estampes japonaises, simple publicité au Japon perçue comme une œuvre d’art à l’Ouest. Elles apparaissent ainsi en Angleterre et en France où elles suscitent l’admiration à l’origine du japonisme dans

tous les arts, des impressionnistes à l’Art nouveau. L’invitation d’artistes japonais et leur production par les cirques occidentaux comme celui de Richard Risley en 1866 puis de Louis Soullier dix ans plus tard participent à cet essor du japonisme. Ce fut pour ces saltimbanques nippons l’occasion de se libérer des discriminations liées à leur statut de hinin (littéralement « non humain ») – ce statut hors castes, pourtant aboli en 1871, se situait en bas de la hiérarchie de la société Edo et était fortement rejeté par le reste de la population. Pour autant, ils ne furent pas exemptés des discriminations culturelles des Occidentaux envers les ressortissants japonais, le goût européen pour les « zoos humains » et l’extravagance recherchée dans l’exotisme asiatique renforçant cette difficulté.

L’engouement occidental pour les artistes japonais perdurera dans les années 1920-1930. Ils joueront aux Folies Bergère, au Cirque Medrano, au Cirque d’Hiver et au cirque de Rouen, ou dans de nombreux cirques itinérants.

CATALOGUE

L'exposition est accompagnée d'un catalogue que vous pourrez découvrir à la boutique du musée.

" Pour la 9e édition du Temps des collections, intitulée " Cirque et Saltimbanques ", les musées de la Réunion des Musées Métropolitains Rouen Normandie accueillent un fonds exceptionnel, la collection J.Y. Et G. Borg, une des plus importantes collections privées sur le thème du cirque ainsi que de prestigieux prêts de grandes institutions. Peintures, dessins, affiches, objets d'art, costumes, jouets, sculptures ou photographies y retracent l'Histoire du cirque et ses liens intimes avec le monde de l'art et les artistes. Spectacle culturel, le Cirque inspire depuis son origine peintres, plasticiens et photographes. Couleurs et formes évoluent avec le temps, mais les oeuvres reflètent toujours les émotions de l'artiste devant ce spectacle humain, dont la richesse féconde stimule l'imaginaire."

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