Les œuvres créées à Boisgeloup possèdent une identité propre qui marque la naissance d’un nouveau langage dans l’œuvre de Picasso. Ce vocabulaire de formes s’inscrit durablement dans le dialogue qu’il engage entre ses sculptures et ses peintures. Ainsi, le mode de composition de certains portraits sculptés de Marie-Thérèse Walter par assemblage de bourrelets et de sphères se poursuit dans La Dormeuse aux persiennes peinte à Juan-Les-Pins en 1936, dont les formes dilatées et nettement cernées fonctionnent comme des masses juxtaposées dans un tout organique. Les expérimentations sur les textures et les surfaces développées à partir de 1933 par impression de matières diverses, carton ondulé ou grillage de poulailler, et la création de formes par moulage de boîtes ou de moule à gâteaux donnent naissance à une série de sculptures dans lesquelles le travail de la main s’efface devant les emprunts à la réalité. Tandis que le visage de L’Orateur reste modelé, le reste du corps est tout entier composé d’empreintes. Ce procédé combinatoire se substitue souvent au modelé comme dans la Femme accoudée (1933), la Femme au feuillage (1934) ou Le Faucheur (vers 1934). Le recyclage d’objets trouvés et le détournement de matériaux sont présents dès les collages et les constructions cubistes réalisées à la veille de la Première Guerre mondiale. Le principe se généralise à Boisgeloup, posant les premiers jalons des « sculpto-assemblages » que Picasso décline dans la suite de ses recherches plastiques. Le 18 avril 1935, Picasso écrit le premier manuscrit d’une séquence poétique qu’il débute à Boisgeloup.